Après un mois d'octobre 1918 catastrophique à Lévis avec au-delà de 50 décès et le quart de la population infectée par la grippe espagnole, la vie courante reprend de manière étonnamment rapide par la suite. À peine deux mois plus tard, soit le 28 décembre, Pierre-Georges Roy rapporte que l'église Notre-Dame «est littéralement remplie» pour les «imposantes funérailles» de l'épouse d'Onésime Carrier.
Par Claude Genest – Ancien président de la Société d’histoire de Lévis
La vie associative et sociale s’active aussi avec la mise sur pied à Bienville, en janvier 1919, d'une «Ligne des citoyens» et en février on remarque qu'un «auditoire considérable» assiste dans la grande salle du Collège de Lévis à une «causerie» du docteur Béland «sur ses années de captivité en Allemagne».
Le mois suivant, une «assistance nombreuse» se déplace pour une messe commémorative à la suite de la mort le 17 février de l'ancien premier ministre du Canada, Wilfrid Laurier. Bref, on ne note aucune trace tangible de distanciation sociale prolongée dans les Dates Lévisiennes après une période de contagion fulgurante, mais relativement brève l'automne précédent.
L'archiviste-historien Pierre-Georges Roy ne revient pas sur l'épidémie de 1918. En matière de santé, il soulève seulement le fait qu’à la fin de janvier 1919, les médecins de Lévis, Lauzon et Bienville se sont entendus sur une série de nouveaux tarifs. Pour sa part, Mgr Élias Roy relève dans son Esquisse historique du Collège de Lévis le retour de la grippe en mars 1920 qui force le renvoi des élèves du 8 mars au 5 avril.
Au niveau économique, la pandémie de 1918 n'améliore en rien la longue période de morosité économique qui perdurait à Lévis depuis la fin du XIXe siècle, période marquée par une stagnation de sa population, une diminution des activités ferroviaires dans le secteur de la Traverse et par la fermeture de l'importante usine Carrier et Lainé.
L'épidémie de 1918 coïncide aussi avec la fin de la Première Guerre mondiale (1914-1918) qui avait amené un temporaire regain d'activité autour de la construction navale. Si bien qu'en janvier 1920 un citoyen déplore dans le journal L'Action catholique que Lévis «piétine sur place».
Plus encore, une récession d’après-guerre touche l'économie canadienne entre 1920 et 1922, ce qui n'améliore guère les choses comme le soulève le curé François-Xavier Gosselin en 1921.
De son côté, la Chambre de commerce de Lévis déplore, avant même l'épidémie, «l'apathie de nos marchands» et tentera le grand coup pour relancer Lévis en 1928 avec la publication d'un album mettant de l'avant les avantages de Lévis. Imprimé et distribué dans de nombreux endroits en Amérique du Nord, cet album bilingue de 112 pages rédigé par le secrétaire de la Chambre, Léon Roy, contient des vues à vol d'oiseau et vise à mettre en valeur Lévis auprès d'un public composé essentiellement de gens d'affaires. Cette belle tentative de relance sera freinée par le krach boursier d’octobre 1929, annonciateur de la dépression économique des années 1930.